Comme chaque année, je suis revenue sur les chemins de mon
enfance. Ce retour aux sources est un besoin, une évidence.
Combien de fois ai-je parcouru ces chemins comme un cabri ? C'était
le temps de l'insouciance des premières années. C'était le temps de la liberté
et de la gaîté. C'était le temps de la bienveillance de mes grands-parents qui
m'ont élevée. C'était le temps des repas de famille et des fêtes de village.
J'ai remis mes pas sur ceux de mes ancêtres. Je retrouve la
fraîcheur des sous-bois, le bruit du ruisseau et de la fontaine où je suis
venue souvent étancher ma soif, l'ombre des châtaigniers, les cailloux
d'ardoise qui ont trop souvent écorché mes genoux.
Tout y est ou presque. Il manque mes êtres chers. Je revois
ma grand-mère accroupie en train de guider l'eau pour arroser ses quelques
plans de tomates ou de salades. Je revois mon grand-père en équilibre sur ces
flancs de montagne, le front ruisselant, écrasé par la chaleur, au moment de la
fenaison. Il manque le rire des enfants, et nous étions de nombreux cousins à
vivre ensemble sous l'œil vigilant et néanmoins attendri de la grand-mère.
Le village n'est plus que l'ombre de lui-même. Les anciens
ne sont plus. Les plus jeunes sont partis au gré des exigences de la vie vers
des lieux plus appropriés à une vie moderne. Les maisons se sont vidées et les
aléas du temps les détruisent pierre après pierre. Seul le chant des oiseaux,
quelques chats errants et le vent qui siffle entre les pierres m'accueillent.